Hommage à l’honorable Claire Barrette-Joncas

  • 09 mars 2021
  • L’honorable Nicole Duval Hesler, avocate.

Claire Barrette-Joncas était juge coordonnatrice de la Chambre criminelle de la Cour supérieure à Montréal depuis de nombreuses années lorsque j’ai été nommée à cette Cour en 1992. Je la connaissais de réputation seulement, ayant fréquemment plaidé dans des dossiers de droit statutaire pénal. Je caressais le rêve de présider des procès avec jury. Et voici que j’allais avoir l’audace, n’ayant jamais plaidé devant juge et jury, de demander à cette pionnière et experte en procès avec jury d’accepter que je me joigne à la Chambre criminelle.

 

Mais la juge Barrette-Joncas a toujours été une personne sans détour. Elle m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Écoute, viens à nos réunions hebdomadaires, suis tous les cours de formation disponibles en matière criminelle, et nous verrons ». J’ai suivi sa consigne à la lettre et deux ans plus tard, après plusieurs séances de formation à travers le Canada, dont une de deux semaines à Cornwall, elle m’a confié un premier procès avec jury (pour meurtre au deuxième degré).

 

Mais là ne s’est pas arrêté son appui. La juge Barrette-Joncas a toujours été une mentore formidable. Elle n’abandonnait pas ses nouvelles recrues au bon vouloir du destin et des péripéties des procès avec jury. Non seulement m’a-t-elle assigné un juge d’expérience (le regretté Fraser Martin) pour me guider à travers les écueils de mon premier procès avec jury, mais elle m’a appelée tous les soirs afin de prendre le pouls et de me donner des conseils, toujours judicieux, sur ce qui allait suivre.

 

J’ai réalisé plus tard que c’était là sa façon de faire avec toutes et tous les nouveaux arrivants. Une amie, nommée à la Cour supérieure quelques années plus tard, m’a raconté que Claire l’avait appelée de la Floride tous les soirs de son premier procès avec jury. La fille de Madame Barrette-Joncas et du regretté Claude Joncas, Me Lucie Joncas, m’a confié que sa mère avait amené à Cuba les fascicules de la revue Canadian Criminal Law pour en faire des résumés pendant ses « vacances » au soleil. Le père de Me Joncas et époux de l’honorable Claire Barette-Joncas, comme chacun le sait, était lui-même juge à la Cour du Québec et jouissait d’une réputation enviable dans le milieu du droit criminel. La pomme ne tombant pas loin de l’arbre, Me Lucie Joncas est une avocate de droit criminel de grand renom. *

 

Bourreau de travail, la juge Barrette-Joncas m’a aussi inculqué l’importance de trancher presque sur-le-champ les questions de procédure et de preuve qu’il faut adjuger pendant le procès, et aussi de rédiger au fur et à mesure du procès les résumés de preuve à présenter au jury lors des directives. Là encore, sa fille Lucie m’a relaté qu’elle avait entendu sa mère faire de la ré-écoute des bandes auditives du procès la nuit, car la juge Barrette-Joncas voulait être prête à résumer la preuve lorsque viendrait le moment de donner ses directives au jury. Dans son univers, on ne faisait pas attendre un jury.

 

Je n’étonnerai personne en disant que Me Claire Barette-Joncas a été la première femme avocate à plaider devant la Cour des assises criminelles de Montréal en 1958, un an après son admission au Barreau. Elle a également été la première femme à être nommée présidente de l’Association du Jeune Barreau de Montréal en 1962. Elle a enseigné le droit criminel à l’Université de Montréal et à l’Université McGill. Nommée à la Cour supérieure du Québec en 1975, elle a été la première femme à devenir coordonnatrice de la chambre criminelle de la Cour supérieure à Montréal, fonction exigeante qu’elle a remplie pendant quinze ans. Elle s’est méritée et se mérite toujours l’admiration de tous les avocats, qu’elle a invariablement traité.es avec beaucoup de respect. En témoigne le fait que le Barreau de Montréal lui ait décerné sa Médaille de l’année judiciaire 2005-2006, alors que l’honorable Claire Barrette-Joncas célébrait trente ans de magistrature à la Cour supérieure.

En ce mois de la femme 2021, je salue à nouveau cette pionnière du droit et lui réitère un témoignage d’admiration et de gratitude de la part de tous et toutes les professionnel.les du droit.

L’honorable Nicole Duval Hesler, avocate.

 

 

*Me Lucie Joncas est également présidente du Comité législation et réforme du droit de l’ABC-Québec