Avant-projet du nouveau Code de procédure civile

  • 31 janvier 2012

Montréal, le 31 janvier 2012 Dans son mémoire d’une centaine de pages déposé en décembre dernier et présenté aujourd’hui devant l’Assemblée nationale, l’Association du Barreau canadien, Division du Québec (l’« ABC-Québec ») sonne l’alarme et appelle le législateur à faire preuve de prudence dans sa réforme de la justice.

« Plusieurs dispositions de l’avant-projet du nouveau Code de procédure nous semblent contraires à l’intérêt public et la rédaction de certaines d’entre elles constitue même un affront au principe de l’État de droit et de la règle de droit. Si l’avant-projet de loi devait être adopté dans sa forme actuelle, nous croyons que le législateur n’atteindrait pas les objectifs d’accès à la justice qu’il s’est fixés », a fait valoir Me Antoine Leduc, coprésident du Comité de la législation et de la réforme du droit de l’ABC-Québec.

L’ABC-Québec soutient qu’il serait préférable de conserver l’organisation et la logique du Code actuel. Or, le législateur a réécrit le Code de procédure civile au complet. On y retrouve, entre autres changements, l’abandon du caractère exploratoire de l’interrogatoire au préalable, l’ajout d’une vingtaine d’articles sur les ventes sous contrôle de justice modifiant ainsi l’économie du Code civil du Québec en matière de recours hypothécaires. On y retrouve aussi davantage de limites à la publicité des débats, la mise en œuvre de projets pilotes et la simplification tous azimuts du vocabulaire.

« Tous ces changements risquent de causer des surprises et des délais indus au procès en plus de multiplier les procédures avec comme résultat pour le justiciable un accès à la justice plus coûteux, plus long et plus incertain », déplore Me Leduc.

La procédure applicable aux tribunaux de l'ordre judiciaire de la justice civile publique doit être l'objet premier d’un Code de procédure civile. Or, dans le nouveau Code, ce ne sera plus le cas. L’avant-projet semble donner priorité à la justice participative et aux modes privés de résolution de conflits sur la justice civile en obligeant les parties « à considérer le recours à ces modes avant de s’adresser aux tribunaux ». L’ABC-Québec s’inquiète des principes véhiculés par ces dispositions qui établissent une nouvelle hiérarchie et soumet que le législateur ne saurait contraindre une partie à se tourner vers la justice privée.

À cet égard, l'ABC-Québec remet sérieusement en question les articles 1 à 7 du nouveau Code qui élargissent les modes alternatifs de justice reconnus. Pour régler leur différend, les parties pourront désormais choisir tout autre mode qui leur convient et qu’elles considèrent adéquat (article1). De la même manière, elles pourront choisir les normes et les critères applicables autres que ceux du droit sous réserve du respect des droits et libertés de la personne (article 5). S'ajoute à ces dispositions, en filigrane, le fait que les parties peuvent faire appel à un «tiers» pour les aider.

Comment interpréter ces dispositions? Ouvriront-elles la porte à ce que des parties par exemple tentent de régler leurs différends par l'entremise de « tiers » représentants d'autorités religieuses, en faisant appel à des normes religieuses? Ces préoccupations de l’ABC-Québec comptent parmi les questions soulevées dans son mémoire.

Constant et ardent défenseur de la primauté du droit dans une société juste et démocratique, l’ABC-Québec affirme et rappelle au législateur que le droit doit être le même pour tous afin d’assurer la cohésion sociale. « Bien que l'article 5 mentionne que ces procédures alternatives doivent respecter « les droits et libertés de la personne », cette mention semble bien faible au regard de la boîte de Pandore qu'elle risque d'ouvrir. Est-ce le point de départ d’une justice à deux vitesses ? Celle du droit commun, publique et financée par le public, et celle de droit privé, confidentielle et financée par les parties? », demande l’ABC-Québec dans son mémoire.

Voilà quelques-unes des questions et objections fondamentales que l’ABC-Québec veut partager avec le gouvernement et le grand public. Aussi l’ABC-Québec demande au gouvernement de surseoir à l’avant-projet du nouveau Code de procédure civile et exprime le souhait que la réforme législative annoncée fasse l’objet d’un véritable débat et qu’on lui consacre le temps requis afin qu’elle soit un succès.

L’ABC est le porte-parole influent et crédible des valeurs fondamentales de la profession juridique.

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Source :

Mémoire de l’ABC-Québec relatif à l’avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile – 16 décembre 2011

Renseignements :

Me Claude Beaudoin, avocate
Directrice générale   Association du Barreau canadien, Division du Québec
Tél. : (514) 393-9600 poste 29
Courriel : cbeaudoin@abcqc.qc.ca