Jugement Zampino : Le rôle des juges et le fardeau de la preuve en matière criminelle

  • 09 mai 2018

Montréal, 9 mai 2018 - Le jugement rendu par l’honorable Yvan Poulin de la Cour du Québec, déclarant non coupables MM. Frank Zampino, Paolo Catania et quatre dirigeants de l’entreprise Construction F. Catania, a généré plusieurs réactions, notamment de la part des médias et de certains élus.

Plusieurs ont exprimé une surprise face à ces acquittements, alors que des informations circulant dans l’espace public avaient déjà permis à plusieurs de se former une opinion quant à la culpabilité des accusés bien avant la tenue de leur procès.

Certains sont allés jusqu’à exprimer une certaine critique à l’endroit du système de justice et du juge ayant conclu à la non-culpabilité des accusés.

Il importe de rappeler le caractère crucial du droit à la présomption d’innocence et du fardeau qui incombe au Directeur des poursuites criminelles et pénales de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable.

La présomption d’innocence est l’un des piliers de notre démocratie et elle ne saurait être minimisée et encore moins ignorée, surtout lorsque l’opinion publique semble avoir déjà conclu en se fondant sur des informations circulant librement dans l’espace public ou recueillies dans le cadre d’un forum bien différent qu’est celui d’une commission d’enquête.

Ce droit constitutionnel ne peut exister que si le juge chargé d’entendre une affaire criminelle et de juger de la culpabilité ou non d’individus ne tienne compte que de la preuve valablement présentée devant lui, de manière objective et impartiale, sans se laisser influencer par d’autres éléments qui ne lui ont pas été légalement soumis. Il est la personne la mieux placée pour analyser la preuve et en évaluer la suffisance, la crédibilité et la valeur probante.

Rappelons que le procès en cause s’est étendu sur plusieurs années, que des dizaines de témoins ont été entendus et que des centaines de documents ont été mis en preuve.

Que l’on soit surpris ou non du jugement rendu, l’on ne saurait critiquer à la légère un juge pour ne pas avoir enfreint le devoir judiciaire qui s’impose à lui, ni suggérer que ce jugement, pour cette raison, entacherait la crédibilité de notre système de justice.

Ne sous-estimons pas la chance que nous avons d’appartenir à un État de droit qui reconnait et défend la présomption d’innocence et la primauté du droit et de pouvoir compter sur une magistrature indépendante, impartiale et compétente pour l’appliquer.

 

Me Marie-Christine Hivon,

Présidente de l’ABC-Québec