Me Gilda Villaran, une avocate au parcours hors du commun

  • 27 janvier 2015
  • Stéphanie Parent, ABC-Québec

Me Gilda Villaran, présidente de la section de droit Immigration et citoyenneté, n’a pas eu un cheminement typique. Dès ses premiers contacts avec le droit dans son Pérou natal, elle sait qu’elle est faite pour la profession tant la discipline colle à sa manière de penser et d’être. Rencontre avec cette avocate d’exception, maintenant associée chez Fasken Martineau, qui n’a jamais eu peur de viser haut.

Gilda VillaranLorsqu’on lui demande de résumer son parcours, Me Villaran explique qu’elle s’est « beaucoup promenée » et que le droit est pour elle une seconde nature.

Après ses études en droit à la faculté de droit de l'Université catholique pontificale du Pérou, où elle a obtenu la plus haute moyenne de sa promotion, elle s’est intéressée au droit du travail et entamé sa carrière au ministère du Travail péruvien. Elle a également enseigné à son alma mater et publié quelques articles. Mais elle souhaitait encore se perfectionner et a décidé de faire une maîtrise. La jeune Me Villaran manquait alors de fonds, mais pas d’audace pour réaliser son projet. « Je me suis présentée à l’ambassade des États-Unis en disant que je voulais une bourse pour aller y faire ma maîtrise, raconte-t-elle. J’ai fait des demandes aux meilleures universités : Harvard, Yale et Columbia ». Elle obtiendra une bourse Fulbright et les trois universités accepteront sa candidature. « Je n’arrivais pas à y croire », affirme l’avocate.

C’est finalement à Yale qu’elle ira faire sa maîtrise durant neuf mois trop vite passés. Malgré les difficultés posées par son niveau d’anglais à son arrivée, elle décide d’appliquer au doctorat. À cette époque, elle rencontre un Québécois avec qui elle se mariera et ira vivre en France durant sept ans. Là-bas, elle aura deux enfants, qui s’ajouteront aux deux qu’elle avait déjà, travaillera à titre d'associée en recherche dans divers secteurs d'affaires pour le compte de l'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD) et terminera sa thèse pour obtenir son doctorat en 1993.

En 1994, elle s’installe au Québec et veut devenir membre du Barreau du Québec. Elle complète sa formation à l’Université McGill. « Même si la Faculté de droit à McGill était très agréable, c’était difficile de se retrouver entourée de jeunes de 22 ans », se souvient-elle. Elle entend parler de la course aux stages et décide de s’y lancer et de postuler dans les grands cabinets. Elle décroche un stage chez Martineau Walker, qui deviendra Fasken Martineau, et où elle pratique toujours. Me Villaran sera admise au Barreau du Québec en 1998.

Après avoir travaillé en droit corporatif durant trois ans, elle se tourne vers le droit de l’immigration à l'intention des entreprises qu’elle pratique depuis maintenant 15 ans. Le fait d’être elle-même immigrante, sans la prédisposer à ce domaine, lui permet de « se mettre dans la peau » des personnes pour qui elle fait des demandes.

Le droit de l’immigration, un domaine en changement constant

La pratique en droit de l’immigration à l’intention des entreprises traverse une période difficile selon Me Villaran. « Les programmes ne visent pas à faciliter la vie aux entreprises qui ont besoin de faire venir des travailleurs de l’étranger au Canada », relate-t-elle. Les modifications d’Ottawa au programme des travailleurs étrangers adoptées en juin dernier utilisent un langage clair : « les Canadiens d’abord ». Les autres programmes, que ce soit en matière d’immigration ou de citoyenneté, ont également durci leurs règles. « Certains changements étaient nécessaires, car il y a eu des abus, mais d’autres compliquent inutilement les démarches. Les justes paient pour les pécheurs », illustre l’avocate. La situation est particulièrement difficile en ce qui concerne la pratique avec les réfugiés. « Certains des avocats dans ce domaine pensent à se réorienter », rapporte-t-elle.

Les causes de cette complexité sont multiples. « Les règles changent tout le temps et ne sont pas toujours claires, explique Me Villaran. Nous ne savons pas toujours comment elles seront interprétées. Nous avons besoin de plus de transparence de la part des instances gouvernementales. » L’avocate se retrouve donc souvent devant l’inconnu et doit faire des demandes sans savoir comment elles seront traitées. Elle dénonce également une certaine improvisation dans l’implantation des nouvelles règles. « Parfois, même au sein du ministère, on ne sait pas comment les interpréter », illustre-t-elle.

L’ABC, une ressource inestimable

Dans le domaine de l’immigration, l’Association fait des représentations auprès des autorités et en commission parlementaire à Ottawa. Cette influence lui permet d’obtenir des réponses et des éclaircissements au sujet de la réglementation de la part des instances gouvernementales. « Nous partageons ensuite ces informations avec nos membres », indique Me Villaran.

Selon la juriste, les avocats en immigration de l’ABC-Québec forment une véritable communauté où il y a beaucoup d’entraide et de partage des connaissances. « Ce sont des amis, pas des concurrents, souligne-t-elle. Avec l’ABC-Québec, peu importe l’environnement dans lequel on pratique, nous avons accès à un réseau d’avocats qui travaillent dans notre domaine. »

Pour Me Villaran, il était donc tout naturel de s’impliquer au sein d’une communauté qui lui apportait autant. Elle raconte : « Au départ, je recevais de l’information de l’ABC. Mais après avoir pris de l’expérience, j’ai eu le sentiment que je pouvais aussi contribuer. » Par l’entremise de la section de droit de l’immigration de l’ABC, elle a participé à des rencontres avec le gouvernement où elle a pu faire valoir son point de vue. « Grâce à mon implication à l’ABC, je suis au courant des tendances et à l’avant-garde de ma pratique » explique-t-elle. Un atout de taille dans un domaine où les changements de réglementations sont difficiles à suivre.

Malgré un parcours hors du commun, Me Villaran demeure très humble et semble toujours s’étonner devant son destin. « J’ai travaillé très fort pour être où je suis. Je ne connais pas d’autres immigrants de première génération qui sont associés dans un grand cabinet », dit-elle. En effet, son parcours est extraordinaire.