Des duels de raison père-fils à la défense des banques

  • 28 janvier 2014
  • Josée Descôteaux - ABC-Québec

Déboulonner les certitudes de son père? Seuls un esprit vif et une réfutation indéfectible pouvaient y parvenir. Chez les Lévesque, père et fils sont pourvus de cette propension à l’entêtement inhérente au génie de l’argumentation. Le paternel, professeur de philo, laissait libre cours à ses envies de débat, et le jeune Mathieu, tout aussi avide de convaincre, nourrissait ainsi le germe de ses aptitudes pour la pratique du droit.

Me Mathieu LévesqueLe terreau fut fertile, car Me Mathieu Lévesque est aujourd’hui chef régional du groupe de litige bancaire chez BLG. Et ses arguments ont intérêt à être indélogeables : il est spécialiste, notamment, en litige relatif au droit bancaire, au droit des sociétés et au droit commercial et il assure la défense d’institutions bancaires visées par des recours collectifs. Entre les débats familiaux épiques et l’échafaudage d’interventions stratégiques pour ses clientes qui font face aux entreprises en restructuration, voici le parcours du président de la section de droit de la faillite et de l’insolvabilité.

Les annotations dans son cahier Hibou de 4e année du primaire démontraient que son cœur balançait entre deux carrières aux antipodes : l’humour et le droit… Il en rigole aujourd’hui, bien que l’humour serve parfois bien ses desseins dans le cadre des interactions avec ses clients... en complément parcellaire des éléments stratégiques bien sûr!

Même si le choix de carrière d’humoriste fut rapidement repoussé, l’option du droit ne s’est pas imposée de sitôt. Mathieu Lévesque fut d’abord attiré par le caractère compétitif des sciences pures. « J’ai longtemps hésité. Mais la sociologie et les sciences humaines étaient davantage dans mes cordes », raconte-t-il.

Après ses études collégiales en sciences humaines, aux Cégeps de Ste-Foy et de Lévis-Lauzon, la noblesse et le respect attribués à la profession d’avocat, mais également le défi que constituait la convoitise d’un programme d’études contingenté l’ont finalement convaincu d’opter pour le droit.

Il a obtenu son diplôme de baccalauréat en droit de l’Université Laval en 1997, après quoi il a complété la portion théorique de sa formation à l'École du Barreau. Il a ensuite plongé dans les études de maîtrise en administration des affaires (M.B.A.), qu’il a suspendues pendant un an pour un stage chez Hickson Martin Blanchard afin de terminer sa formation au Barreau.

Question de bonifier sa formation de maîtrise, le juriste en devenir a opté pour l’Université Clark (programme combiné avec l’Université Laval), un établissement prestigieux de Worcester, dans le Massachusetts aux États-Unis, prisé pour son programme international. Outre le riche bagage de connaissances qu’il y a gagné, il a déniché l’amour de sa vie, avec qui il a fondé une famille, qui compte un garçon de cinq ans et une fillette de trois ans.

Mathieu Lévesque fut admis au Barreau en 2001 et il s’est peu après offert un bain linguistique espagnol, en vivant pendant deux mois à Antigua, au Guatemala. « J’ai ensuite retravaillé un peu chez Hickson Martin Blanchard, avant d’être embauché chez Dunton Rainville à Montréal », relate-t-il.

Puis un soir de novembre pluvieux, en 2003, il reçoit un appel téléphonique plutôt inattendu. Au bout du fil, un avocat senior du Groupe des Services financiers du cabinet BLG s’enquiert de son bien-être… « Il m’a demandé d’entrée de jeu si j’étais heureux…! J’étais pas mal sceptique… j’ai immédiatement vérifié après l’appel son existence dans le bottin des avocats! Il avait entendu parler de la qualité de mon travail… », raconte l’avocat de 39 ans, qui travaille depuis ce temps au sein de l’équipe de BLG. Et l’avocat qui voulait son bonheur est devenu son mentor, affirme-t-il…

Périls, efforts et plaisir

Entre le litige bancaire et les restructurations financières, on confie à Me Lévesque les dossiers de faillite et d’insolvabilité et de recours collectifs, de même que ceux qui sont liés aux services bancaires et financiers. Il a notamment représenté le liquidateur de fonds dans le dossier Norbourg. Il va sans dire que sa formation en administration des affaires constitue un atout lorsque vient le temps d’élaborer des interventions et orientations stratégiques.

Question de demeurer bien branché sur son univers professionnel, il est membre de l’Ordre des administrateurs agréés, de l’ACFE (Association of Certified Fraud Examiners) et de Turnaround Management Association, en plus d’assumer la présidence de notre section de droit de la faillite et de l’insolvabilité. « C’est très motivant, nous avons organisé des activités de formation très courues par des professionnels de l’insolvabilité chevronnés, j’en suis très satisfait », ajoute l’avocat, qui s’arroge tout de même le temps de jouer au tennis l’été et au hockey deux jours par semaine en hiver.

Tout n’est cependant pas toujours rose dans son domaine de droit. Le déclin du nombre de restructurations commerciales et l’importance des réserves de liquidités des entreprises au Canada et aux États-Unis réduisent de manière non négligeable le volume de mandats potentiels. « Pour les professionnels de l’insolvabilité, la situation économique actuelle représente un certain défi, ce qui peut sembler paradoxal et en surprendre plus d’un», signale Me Lévesque.

La concurrence entre cabinets et la pression sur les tarifs accroissent également la complexité du travail. « On tient pour acquis que tous les avocats sont excellents et on les met en compétition au niveau des coûts », précise Me Lévesque.

Grâce à son expertise et à la force de son équipe, il estime cependant avoir jusqu’ici réussi à bien tirer son épingle du jeu, en étant parvenu à tisser un réseau de clients satisfaisant. De quoi inoculer le désir de poursuivre sur ce chemin, ce qui, pour Me Mathieu Lévesque, ne fait aucun doute.

Il étanche sa soif de connaissances parfois sur la plage… Non, il ne s’en cache pas : il apporte souvent quelques ouvrages de formation continue dans ses bagages lorsqu’il part en vacances.

Il se nourrit également de ce désir, inébranlable, de réussir, de même que de son corollaire; l’effort, qu’il admet consentir en ressentant un petit plaisir coupable…  Et c’est encore plus grisant lorsqu’il se mue en réussite.

Alors le paternel avait toujours raison? Son fils aussi. Et lorsqu’un client déclare « Grâce à vos talents de négociateur, nous avons réussi. Merci… », l’affirmation est indubitable.